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Dir. K Ngalula
Bienvenue au Mausolée Mpandanjila! Profil du Doyen Les 13 Députés Q/R Contribuer

Hautement historique, ce document dresse un sévère réquisitoire contre le régime dictatorial de Mobutu et en ébranle les fondements. Identifié comme promoteur du groupe, Joseph Ngalula Mpandanjila est arrêté la veille de la saint-Sylvestre 1980. Dès le lendemain, solidarité oblige, ses autres compagnons se constituent aussi prisonniers. C’est le début de la longue et glorieuse lutte des 13 Parlementaires.

Lettre ouverte des 13 Députés(Parlementaires) au Président Mobutu

Hautement historique, ce document dresse un sévère réquisitoire contre le régime dictatorial de 15 ans de Mobutu et en ébranle les fondements. Il pose un certain nombre de principes, notamment:


Tout a commencé par l’invitation me faite par le Commissaire du Peuple Ngalula Mpandanjila après une de mes interventions au cours d’un débat au Parlement au début de l’année 1980.


Lumbu Maloba

Par Lumbu Maloba

Ayant remarqué que mon voisin Lusanga Ngiele qui était aussi intervenu juste après moi avait été aussi invité, j’avais profité de prendre place abord de son véhicule, ce qui était devenu une habitude chaque fois que nous devions travailler avec le Doyen Ngalula d’abord à Gombe sur l’avenue du Commerce, puis à sa résidence située sur l’avenue des Oiseaux à Binza Ma Campagne. Nous servant du Manifeste de la N’sele et des textes tirés de discours du Président Mobutu comparés à la situation du moment dans les domaines politiques, économiques et sociales, nous constations l’échec de son action et le manque de la démocratie pourtant affirmé dans les écrits.

Nous passions ainsi d’innombrables heures en train de confronter les textes. Parfois faisant semblant de dormir le doyen nous laissait discuter avec Lusanga pour ne se réveiller qu’au moment de prendre position et rédiger le texte à approuver.

Comparativement à ma vie estudiantine antérieure qui était encore si proche, mon appréciation sur les qualités intellectuelles de ce pionnier de l’indépendance était excellente. Il était un veritable autodidacte, un « self made man », aussi instruit qu’un detenteur de plusieurs licences de l’université ! Même quand je me rendais à l’improviste à sa résidence, il était toujours dans son bureau, prenant de temps à autre sa tasse de café ou fumant une cigarette.

Lorsque la période de finalisation de la rédaction de la lettre ouverte intervint, Monsieur Ngalula recueillait des avis des uns et des autres. Il m’avait auparavent apporté à la maison, au grand étonnement de mon grand frère Athanase qui y était en séjour en provenance de Kamina, un exemplaire du projet, auquel il m’avait demandé de mentionner une fois de plus mes observations, puis il m’invita au dîner de travail en compagnie des Commissaires du Peuple Lusanga, Makanda Mpinga et Tshisekedi, dîner après lequel avec le collègue Lusanga, nous avions exprimé nos craintes et trouver les apaisements auprès du doyen Ngalula.

Je prenais aussi part aux dîners organisés régulièrement par l’Ambassade des Etats-Unis et j’y rencontrais certains Collègues Commissaires du Peuple, tel que le Citoyen Makanda Mpinga qui m’avait remis un jour une invitation à la réception qu’allait organiser le Citoyen Tshisekedi.

J’avais trouvé à cette réception les Commissaires du Peuple MAKANDA et KIMVAYI aux côtés de l’Archevêque MALULA, Monseigneur TSHIBANGU, Monsieur l’Ambassadeur des Etats-Unis Robert O’KLEY et son épouse et Madame HEINEMAN. Cette dernière assistait régulièrement aux séances du Parlement et me disait être impressionnée par mes interventions. Assise à ma droite et portant une grosse bague que j’avais pris pour une camera, je n’avais pas hésité de décrire la mauvaise gestion du pays tout en soulignant que même si sa bague était une caméra, elle ne m’effrayait pas.

La signature de la lettre ouverte

Pour recueillir les signatures, j’avais un exemplaire de la lettre à faire lire aux collègues dont certains avaient assistés à certaines rencontres, où, avaient été invités sans venir.

Personnellement, j’avais apporté ce document à mes collègues shabiens NGOY INGO et KABONGO MWAMBA avec lesquels j’avais longuement discuté et pour lesquels j’étais en vain certain qu’ils allaient passer signer cette lettre chez le doyen.

Le collègue Lusanga avec lequel nous nous trouvions régulièrement chez moi, chez lui ou chez Ngalula était venu à ma résidence pour demander qu’ensemble nous allions signer la lettre. Il s’en suivit une longue discussion sur les différentes conséquences pouvant découler de l’acte que nous nous apprêtions à poser, la méfiance et la crainte d’être trahis, d’être emprisonné après la perte de notre mandat et pourquoi pas d’être tués et d’abandonner nos familles dans le désarroi. D’autre part nous ne manquions pas à envisager l’ampleur de la noblesse de l’acte dans le cadre de l’intérêt général. Après quelques hésitations, nous avions pris notre ferme décision de signer et ensemble nous nous étions rendus à la résidence du citoyen Ngalula. Il y avait déjà sur la letrre, les signatures de Ngalula, Tshisekedi, Makanda avec lesquels nous nous étions trouvés un jour au dîner, auxquels s’étaient ajoutés celles de KAPITA SHABANGI et KYUNGU-wa-KUMWANZA.

Certains collègues remettant régulièrement le moment de s’engager et la session ayant été à sa fin, il avait été décidé de demander audience auprès du Président-Fondateur pour lui remettre en mains propres notre lettre, ce qui intéressa d’autres collègues qui voulaient prendre part à la rencontre avec le Président Fondateur.

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Les 13 Députés passent en revue la gestion et la gouvernance du pays domaine par domaine:

Les 13 parlementaires on rappelé notamment la Déclaration du Haut Commandement de l'Armée nationale congolaise du 24 novembre 1965, le discours programme du Colonel Mobutu le 12 décembre 1965, ainsi que le "modèle" de société prôné par le Manifeste du M.P.R. à sa création en 1967.

Ils ont fait remarquer que le M.P.R. n'était pas un parti démocratique, car le peuple n'avait pas le droit de choisir d'y adhérer librement: on en était membre obligatoirement dès la naissance.

Ils ont affirmé que la presse n'était pas libre. Donc pas de liberté d'opinion. Pas de liberté d'expression.

Ils ont dit à Mobutu que ses paroles et ses discours sur la liberté et la démocratie étaientt plausibles, mais qu'en fait et en acte, il était un despote.

Ils ont dénoncé et critiqué le "mobutisme", c'est-à-dire les paroles, la pensée et les enseignements du guide, "doctrine" du parti M.P.R., face à l'État de droit. Puisqu'une telle conception des choses ne peut déboucher que sur l'arbitraire. Même les paroles et les discours improvisés du guide pouvant modifier continuellement les lois, voire la Constitution du pays.

Ils ont stigmatisé l'absence totale d'une bonne administration, de la justice ainsi que les exactions des services de sécurité, face aux jugements fantaisistes, au non respect des procédures, aux arrestations arbitraires, aux atteintes à l'intégrité corporelle, bref au non-respect des droits humains et à l'absence d'un État de droit.

Ils ont affirmé que la corruption, un des griefs formulé par Mobutu pour justifier son coup d'État le 24 novembre 1965, la concussion, l'avidité et les détournements des deniers publics avaient atteint leur point culminant et étaient quasi institutionnalisés, alors que la dette extérieure du pays ainsi que le déficit budgétaire ne sont pas résorbés. Sans oublier le peuple qui n'avait jamais connu de telles exploitations sous le régime précédent.

Enfin, dans ce domaine, les 13 Députés ont condamné la confiscation, par le Président Mobutu, du pouvoir du peuple, se proclamant lui-même Président à vie en institutionnalisant, le M.P.R., partie unique. Parti-État ayant primauté sur l'État, lui-même étant désigné seul et unique candidate de ce Parti-État à la présidence de la République. Donc à l'exclusion de tout autre candidat. Envie manifeste d'une présidence à vie avec des titres aussi significatifs que Président-Fondateur du M.P.R. Parti-État, Président de la République, Chef de l'État, Chef des Forces Armées, etc.


Les auteurs de la Lettre Ouverte se réfèrent au discours présidentiel du 1er juillet 1977 qui annonçait les profondes mutations dans ce domaine et écrivent : « Elles sont restées plutôt des vœux pieux. Pourtant, n'avez­vous pas, le premier, reconnu que le système économique zaïrois est trop centralisé »
La mention a été faite, ici, sur le pouvoir central qui se réservait souvent le droit exclusif d'opérer certaines prestations financières, commerciales ou administratives. C'est pourquoi, l'idée d'opérer une décentralisation de l'économie nationale fut avancée, ainsi que l'application de l'économie sociale du marché où l'Etat devait jouer son rôle.

Les auteurs de la Lettre Ouverte on rappelé au Président Mobutu son discours-programme dans lequel il avait affirmé: "On ne produit plus au Congo". À cet égard, ils ont exposé la situation économique du pays et ils ont accusé Mobutu d'avoir mené une politique économique erronée qui a conduit le pays à la déconfiture socio-économique, l'accent étant mis trop sur les exportations minières, alors que la production agricole et industrielle étaient négligées. L'importation accrue, notamment du maïs, du riz, du sucre et de la farine du blé étayait leur accusation. Ils ont souligné souligné une autre conséquence néfastes de cette politique du président Mobutu pour le pays: une dépendance de plus en plus grande vis-à-vis de l'aide financière extérieure notamment de certains pays occidentaux et des institutions financières internationales, à savoir le F.M.I. et la Banque mondiale.

Ils ont posés de nombreuses questions au chef de l'État à propos de grosses sommes d'argent qui sortaient de la caisse de l'État(Banque Nationale) pendant que l'inflation devenait galopante. Cette politique économique catastrophique ayant pour conséquence inévitable la menace pour l'indépendance économique du pays, ont-ils souligné.


Qu'il s'agisse, on écrit les 13 Parlementaires, des salaires dans l'Administration publique, des soins de santé à la population ou de la politique nutritionnelle, la détérioration était totale. C'était l'élimination physique de la population. Avec tous les effets pervers qu'une telle situation peut engendrer: vols, corruption, délinquance, prostitution, etc. Bref, bilan catastrophique de la politique sociale du régime.

Ils sont déplorés l'absence, depuis l'indépendance, d'une politique de l'habitat, les organismes spécialisés qui œuvraient dans ce secteur ayant tous disparus ou en voie de l'être à la suite des détournements des crédits leur destinés.

La lettre ouverte au président Mobutu tirait les conclusions suivantes sur la situation sociale du pays:


La lettre ouverte faisait remarquer à Mobutu que la colonisation à l'indépendance, l'armée nationale représentait un corps véritablement national, c'est-à-dire un nombre plus ou moins égal des ressortissants de toutes les régions du pays. Sous son règne, l'armée avait perdu cet équilibre national. Le recrutement et le renouvellement ou l'augmentation des effectifs s'effectuant en dehors des régions du Katanga, des deux Kasai et du Bandundu. De même pour l'école de formation d'officiers installée à Kananga.

Politique sans doute payante pour la pérennité du régime, mais compromettante à plus ou moins longue échéance pour la paix. La cohésion et l'unité nationale. Inquiétude aussi, ajoute la lettre ouverte, de penser que vous êtes en train de creer une milice pour aboutir à la consécration d'un État policier.


Pour Mobutu, cette lettre ouverte et ses interpellations des 13 étaient un défi à relever. Le 2 janvier 1981, dans un message au Conseil Législatif(le Parlement) il ordonna la levée de l'immunité parlementaire de ces 13 Députés. Une semaine après, ils comparurent devant la commission de discipline du Parlement. Cependant, 6 d'entre eux avaient retiré leurs signatures par peur et s'étaient désolidarisés du groupe.

Malgré ce revirement, tous les 13 sont déchus de leur mandat parlementaire. Après une mascarade de procès en 2 jours, 10 d'entre eux, dont le noyau dur composé de Ngalula, Tshisekedi et Makanda, furent privés de leurs droits civils et politiques, ainsi que de l'exercice de toute fonction publique pour une période de 5 ans. Motif de leur accusation: leur lettre était un "acte séditieux" et une "offense" au Chef de l'État.

Ils furent condamnés à la relégation dans les coins très reculés à l'intérieur du pays, privés de tout contact avec leurs familles, dans l'insécurité totale pour leur vie, comme s'il s'agissait des brigands, des malfaiteurs ou des condamnés pour un crime de lèse-majesté! Ils resteront en relégation jusqu'à la fin de l'année.


Libérés au mois de janvier 1982, les 13 annoncent la création, le 2 février suivant, de leur parti politique, "l'Union pour la Démocratie et le Progrès Social"(U.D.P.S.)

Au mois de mars, Mobutu les fait arrêter en déclarant: "Moi vivant, le Zaïre restera un État unitaire et le M.P.R., le seul parti national autorisé".

En juin, ils sont jugés et condamnés, cette fois à 15 ans d'emprisonnement. Motif: violation de la Constitution et création d'un parti non autorisé. Ils sont libérés le 30 juin 1983 à la faveur d'une amnistie accordée par Mobutu à l'occasion de l'anniversaire de l'indépendance.


Novembre, nouvelle arrestation, Mobutu les accusant d'avoir organisé des remous dans le pays et surtout d'avoir remis une pétition à un groupe des parlementaires américains en visite à Kinshasa, après s'être entretenu avec eux. Cette nouvelle arrestation est suivie d'une nouvelle relégation à l'intérieur du pays, mais cette fois, chacun des 13 Députés dans son village d'origine où il devait effectuer des travaux manuels qualifiés de "contribution" au développement du pays.

Le 30 juin 1985, après des négociations avec les représentants de Mobutu, notamment Ngbamda à Kisangani ou ils avaient été regroupés, ils signent dans un mémorandum au Chef de l'État, une sorte "d'entente" sur l'avenir du pays. Ils sont alors libérés.

Mais une fois de plus, la trêve ne sera que de courte durée. Car la chasse à l'U.D.P.S. et à ses dirigeants, ainsi que les arrestations de ses membres allaient reprendre au mois d'octobre suivant. Les 13, du moins ceux qui en restaient avec de nouveaux venus, exigeant notamment l'autorisation par le Chef de l'État de la création et du fonctionnement de 2 ou 3 partis politiques au Zaïre, ainsi que la tenue d'une Conférence élargie de réconciliation nationale, suivie de la formation d'un gouvernement d'union nationale avec tous les partis politiques ainsi reconnus.

Désormais, l'U.D.P.S. avec Tshisekedi à la tête comme Leader, n'allait plus relâcher son combat pour l'avènement du multipartisme, de la démocratie et d'un État de droit au Congo-Zaïre, jusqu'à la Conférence Nationale Souveraine en 1991.